Consommé tel quel, en jus ou en sorbet, ou incorporé dans la formule de certains produits cosmétiques, notamment des lotions hydratantes ou des shampoings, les baies d’açaí sont devenues la coqueluche des adeptes des super-aliments dans le monde entier.
Le Brésil est le premier producteur mondial d’açaí, et l’État amazonien du Para concentre 90% de cette manne. En 2021, le Para a produit près d’1,4 million de tonnes d’açaí, ce qui a permis d’injecter 5 milliards de réais (environ 950 millions d’euros) dans l’économie locale, selon l’institut de statistiques IBGE. Les exportations de produits à base d’açaí ont augmenté de façon exponentielle ces dernières années, passant de 60 kg en 1999 à 15.000 tonnes en 2021. Les principaux importateurs sont les États-Unis, le Japon, l’Australie et les pays européens.
Mais le succès des petites baies noires remodèle la plus vaste forêt équatoriale du monde, pour le meilleur ou le pire.
Dans l’état amazonien du Para, pendant la saison de la cueillette, d’août à janvier, les cultivateurs peuvent remplir jusqu’à 25 paniers de 14 kg en une journée. Chacun de ces paniers peut rapporter jusqu’à 25 réais (environ 4,75 euros), selon le cours de l’açaí. Des intermédiaires achètent les baies et les amènent par voie fluviale à Belem, où elles sont revendues au plus vite pour éviter qu’elles ne se gâtent.
Dérive vers la monoculture
La production d’açaí a longtemps été présentée comme un modèle de "bio-économie", source de revenus pour les populations locales d’Amazonie sans rogner sur la forêt. Mais des études ont montré que cette expansion est nocive pour la biodiversité, quand le palmier pinot (ou açaizeiro) prend la place d’autres espèces natives.
« À l’état naturel, il y en a 50 à 60, voire 100 par hectare. Si on dépasse les 200, on perd 60% de la biodiversité dans ces zones inondables », explique le biologiste Madson Freitas, chercheur au musée Emilio Goeldi de Belem. Il est l’auteur d’une étude sur le phénomène, qu’il surnomme « açaï-ification ».
La monoculture est également préjudiciable pour la récolte de l’açaí : la disparition de certaines plantes affecte la pollinisation par des insectes comme les abeilles, les fourmis ou les guêpes, ce qui fait chuter la production.
L’allongement des périodes de sécheresse en Amazonie, qui pourraient être exacerbées par le changement climatique, nuisent également à l’açaí, qui a tendance à pousser sur des terres inondées pendant la saison des pluies.
« Investissement social »
Madson Freitas considère qu’une production durable de l’açaí est possible, à condition d’établir des règles plus strictes pour éviter la monoculture. Il préconise un « investissement social », par le biais de subventions, par exemple, pour encourager les petits producteurs à « préserver la forêt ».
Salomão Santos, leader communautaire du village d’Igarape São João, reconnaît que la monoculture de l’açai peut devenir problématique. « Nous survivons grâce à l’Amazonie et l’Amazonie ne survit pas avec une seule espèce », insiste-t-il, rappelant les cycles éphémères du caoutchouc ou de la canne à sucre au début du siècle dernier en Amazonie. Il souhaite une compensation pour les communautés locales qui préservent l’Amazonie, dont les centaines de milliards d’arbres absorbant le carbone constituent une ressource vitale contre le changement climatique.