Utilisé dans de nombreux cosmétiques (crèmes hydratantes, autobronzantes, shampooings, etc.), l’octocrylène se transforme en benzophénone, qui s’accumule rapidement avec le vieillissement du produit, selon une équipe franco-américaine publiée aujourd’hui dans Chemical Research in Toxicology, une revue spécialisée de la Société américaine de chimie [1].
Les chercheurs de l’Observatoire océanologique de Banyuls-sur-Mer (Sorbonne Université, CNRS), en collaboration avec leurs confrères américains du Haereticus Environmental Laboratory de Clifford en Virginie, ont analysé une quinzaine de crèmes solaires et anti-âge achetées en France et aux États-Unis.
Dégradation en benzophénone
Les produits achetés ont subi un procédé de vieillissement accéléré validé aux États-Unis, et équivalent à un an passé à température ambiante. Puis ils ont été analysés à l’aide d’un spectromètre de masse de haute performance, indique Philippe Lebaron, biologiste du laboratoire de biodiversité et biotechnologie microbienne de l’Observatoire de Banyuls-sur-Mer (Sorbonne Université/CNRS, France) co-auteur de l’étude.
« Au départ, il y a très peu de benzophénone dans les produits. Mais progressivement avec le vieillissement du produit, il y a de plus en plus de benzophénone », dit-il à l’AFP. « Des augmentations de benzophénone dépassant les 100% et même atteignant les 200% ont ainsi été observées », ajoute le biologiste. « C’est la première fois que l’on montre cette dégradation de l’octocrylène en benzophénone ».
La benzophénone est classée comme « peut-être cancérogène pour l’homme (Groupe 2B) », par le Centre international de Recherche sur le Cancer (CIRC/Iarc) de l’OMS. Et selon cette agence sanitaire, il existe des preuves suffisantes chez les animaux de laboratoire du risque de cancers dus à la benzophénone. Chez l’animal, l’exposition à la benzophénone induit des cancers du foie et des lymphomes, notent les chercheurs qui pointent également des problèmes dermatologiques.
Absorption cutanée
Pointant que l’octocrylène comme la benzophénone sont facilement absorbés par la peau, les chercheurs estiment que les produits à base d’octocrylène, et donc contaminés par de la benzophénone, peuvent constituer une menace pour la santé.
« L’octocrylène ne satisfait plus aux critères de sécurité de la FDA américaine, et les données scientifiques accumulées indiquent qu’il pourrait être toxique pour la reproduction, et perturbateur métabolique et endocrinien », soulignent les chercheurs qui demandent son interdiction dans les produits de soins personnels.
Néfaste pour la vie marine
L’octocrylène est, par ailleurs, accusé d’être néfaste pour la vie marine, en particulier pour les coraux. « Certains fabricants l’ont retiré de leurs crèmes solaires pour des raisons environnementales », constate le Pr. Lebaron.
Des territoires possédant des récifs coralliens, comme les îles Vierges américaines ou la république des îles Marshall, ont interdit l’octocrylène dans les produits de protection solaire, relèvent les chercheurs.
À noter que l’Observatoire océanologique de Banyuls-sur-Mer accueillera, de manière virtuelle, les 10-12 mars 2021 le congrès My Blue CosmET’IC - Rencontres Internationales de « La Beauté et La Mer ». Avec le soutien de la Fondation Tara Océan, chercheurs et industriels partageront leurs travaux sur des thèmes aussi divers que : la biodiversité, le bio mimétisme, la biodégradabilité, les défis de la protection des milieux marins pour l’industrie de la beauté, le rôle de la blue techonology dans le développement de nouveaux actifs ou de matériaux biodégradables, la dégradation des plastiques dans les Océans.