Emmanuelle Schloesing, Responsable Économie Circulaire chez Elipso

Emmanuelle Schloesing, Responsable Économie Circulaire chez Elipso

En effet, le Ministère de la Transition écologique est bien décidé à aller vite. Après 5 mois d’examen parlementaire sur la base d’un projet de loi qui comportait 13 articles et d’un accord en Commission mixte paritaire, la loi a finalement été adoptée le 30 janvier, avec 130 articles, et promulguée 10 jours après. Un délai quasi inédit.

En déclarant le jour du vote, « c’est un nouveau chapitre pour l’économie circulaire qui s’ouvre : celui de la mise en oeuvre concrète de toutes les actions en faveur d’un quotidien plus sobre, dans lequel les industriels sont plus responsabilisés […] », la Secrétaire d’État Brune Poirson avait déjà en tête le calendrier des actions concrètes à prendre. Et en toute priorité, les mesures de la stratégie de sortie des emballages à usage unique d’ici 2040 (art.7).

La première réunion qui s’est tenue au Ministère de la Transition écologique, début mars, atteste de la volonté d’aller vite. La filière emballage et ses matériaux (Elipso, CNE-Conseil national de l’emballage, Bois, Verre, …), la filière recyclage (Valorplast), Citeo et la FEBEA étaient représentées. Précisément, le premier décret quinquennal 2021-2025 qui doit fixer les objectifs 3R intermédiaires (Réduction, Réemploi et Recyclage) est attendu pour avril. Une stratégie nationale pour la réduction, la réutilisation, le réemploi et le recyclage des emballages en plastique à usage unique doit être définie par voie réglementaire avant le 1er janvier 2022 (mesures sectorielles ou générales, les éco-modulations, le recours à d’éventuels outils économiques,etc.). Ces 3R constituent bien la ligne dorsale de la nouvelle politique qui vise les emballages, à commencer par ceux en plastique et à usage unique. Deux autres réunions ont été programmées ce mois-ci, dans ce but.

Emballages à usage unique et emballages réutilisables

« Les interdictions stipulées par la loi sont raisonnables », estime Emmanuelle Schloesing, Responsable Économie Circulaire chez Elipso, l’organisation des entreprises de l’emballage plastique et souple. Elle se montre en revanche plus dubitative sur la date de 2040. « En effet, au regard de la libre circulation des produits en Europe, la France ne peut pas interdire des emballages ».

Mais que recouvre exactement l’objectif de fin des emballages à usage unique en 2040 ? « Ce sont les décrets qui préciseront ce qu’il faut entendre par emballage à usage unique, mais aussi par emballage réutilisable et emballage recyclable. On peut toutefois noter que la directive (UE) 2018/852 liste, dans son Annexe II, les exigences essentielles portant sur la composition et le caractère réutilisable et valorisable (notamment recyclable) des emballages », ajoute Emmanuelle Schloesing.

L’emballage réutilisable est défini comme « un emballage qui a été conçu, créé et mis sur le marché pour pouvoir accomplir pendant son cycle de vie plusieurs trajets en étant rempli à nouveau ou réutilisé pour un usage identique à celui pour lequel il a été conçu ».

Mais ce point crucial, évidemment au cœur des préoccupations, va être revu. « Dans le cadre du Pacte vert, la Commission a annoncé des mesures qui visent notamment les matières plastiques, et doit donner la définition d’exigences pour que les emballages mis sur le marché de l’UE soient réutilisables ou recyclables d’une manière économiquement viable d’ici à 2030 », explique Emmanuelle Schloesing.

Augmenter la part des emballages réemployés

La règle des 3R (art.7) découle de l’article 1 de la loi (qui modifie l’article L-110-1-2 du code de l’environnement). En posant le principe de l’écoconception, il fixe d’emblée les enjeux, avec en priorité : « prévenir l’utilisation des ressources, puis promouvoir une consommation sobre et responsable des ressources basée sur l’écoconception, puis assurer une hiérarchie dans l’utilisation des ressources, privilégiant les ressources issues du recyclage ou de sources renouvelables, puis les ressources recyclables, les autres ressources, en tenant compte du bilan global de leur cycle de vie ». Ajoutons une disposition passée un peu inaperçue, la possibilité qu’auront les consommateurs de signaler les produits dont ils estiment l’emballage excessif (art.72). Un outil qui devrait trouver écho auprès des réseaux actifs dans le zéro déchet.

Dans le cadre des 3R, là aussi l’objectif est clair (art.9) : « augmenter la part des emballages réemployés mis en marché par rapport aux emballages à usage unique, pour atteindre une proportion de 5% des emballages réemployés en 2023 et de 10% en 2027 (exprimés en unité de vente ou équivalent UV). Les emballages réemployés doivent être recyclables ». Un observatoire du réemploi et de la réutilisation doit être créé avant le 1er janvier 2021 (art. 9.II). Mais pas question de considérer les emballages contenant un part de matériaux recyclés comme des emballages réemployés, nous a indiqué le Ministère. Un décret définira la proportion minimale des emballages réemployés mis sur le marché par an (art.67).

Quoi qu’il en soit, et dans l’attente de définitions plus précises, Elipso « adhère aux 3R-Réduction, Réutilisation et Recyclage tels que définis dans la loi » insiste Emmanuelle Schloesing. « Nos membres ont déjà entrepris depuis plusieurs années la réduction à la source de leurs solutions et prennent en compte leur recyclabilité. Ils accélèrent également le développement d’emballages réutilisables. Reste aussi à ce que le réemploi des emballages entre dans les pratiques du consommateur. Ce qui n’est pas encore vraiment le cas. Des solutions de recharge existent mais la chaîne de valeur n’est pas toujours bien mise en avant pour le consommateur, il faut le reconnaître ».

La loi prévoit d’autres exigences, notamment en ce qui concerne le recyclage, nous y reviendrons.